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Maudit hiver!

Le Québec, pas tout à fait adapté à l'hiver?

Photo : Shutterstock

Sommes-nous des mésadaptés? La question est évoquée depuis quelques décennies, et elle resurgit périodiquement selon l'urbaniste Gérard Beaudet, de l'Université de Montréal. D'après lui, notre rapport trouble avec la saison s'explique par nos racines : «Nos ancêtres ne proviennent pas de pays nordiques et leur adaptation a représenté une épreuve», affirme-t-il. Nous portons en quelque sorte ce souvenir dans notre mémoire collective. Le sociologue québécois Alain Brunel, installé à Paris depuis 30 ans, parle même, dans un texte publié dans Le Devoir, du «traumatisme d'origine», qui explique en partie notre haine de l'hiver : «C'est le recours aux connaissances, techniques et vêtements amérindiens, adaptés à l'hiver, qui facilite l'apprivoisement du pays. Du point de vue français, cette adaptation s'apparente à un ensauvagement des habitants. Les Français s'estimant au sommet de la civilisation, il y a sûrement eu ici un premier motif de malentendus, de tensions (...) et une bonne raison pour les Canadiens de maudire à la fois l'hiver et les Français.»

Jean-Pierre Kesteman est historien.
Jean-Pierre Kesteman est historien.

L'historien Jean-Pierre Kesteman évoque une seconde théorie pour expliquer notre prétendue mésadaptation : «Pendant des siècles, nous nous sommes habitués aux conditions climatiques du pays dans lequel nous étions forcés de vivre. Mais depuis 40 ans, le Québécois s'est urbanisé, et il est confronté à un système économique dont l'agriculture n'est plus l'activité principale.»

Or, l'agriculture nous rappelait aussi que l'on devait se soumettre aux excès de la nature et suspendre le travail dans les champs le temps nécessaire. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. On s'active quel que soit le temps qu'il fait. «Notre rythme de vie nous a éloignés de la nature. Les arbres, entrent en période de dormance, les ours et les écureuils hibernent, mais nous, non, affirme la psychologue Johanne Bernatchez, qui ajoute : Certains auraient besoin de ce ralentissement en hiver, mais notre société ne le permet pas.» Une participante du groupe de discussion abonde dans le même sens : «Quel que soit le temps qu'il fait, il faut rester productifs. Je pense qu'on devrait chercher des moyens de se faciliter la vie pendant cette saison parce que tout est plus exigeant aujourd'hui; l'hiver rend notre quotidien plus laborieux, notamment en ce qui concerne les transports.»

Ainsi, les temps modenes menaceraient notre lien culturel avec l'hiver? «La mondialisation nous oblige à produire au même rythme que les pays qui ne sont pas aux prises avec les rigueurs de l'hiver», souligne un autre participant.

D'après certains, nous aurions fait peu de choses pour rendre ce quotidien plus facile, d'où notre impression de ne pas être en phase avec la saison. «C'est notre façon d'aborder l'hiver qui n'est pas la bonne», s'exclame Alexandre. «Lorsqu'il y a des tempêtes de neige, nous nous rendons tout de même au bureau, mais nous arrivons dans un état lamentable», souligne un autre participant. Quel employeur a déjà pensé à permettre à ses employés de porter des vêtements plus décontractés et d'adapter ses horaires aux rigueurs de janvier? «Nous avons investi dans l'équipement de voirie pour rendre les déplacements plus faciles. Nous sommes des experts en prévisions météorologiques, mais rien n'est fait au niveau professionnel.

À part le développement de l'industrie touristique, visant en partie la clientèle européenne (donc en vacances!), l'absence d'une culture qui favorise l'amour de l'hiver semble faire défaut, déplore le groupe.